This interview appeared in Cinq-Plus Dimanche on the 21st August 2006. It is related to the ‘Media Commission Bill’ affair.
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“La media commission est une stratégie pour faire peur�?
Le monde de la presse est en ébullition avec l’annonce de l’introduction d’une media commission. Christina Chan-Meetoo, chargée de cours en Media and Communication Studies à l’université de Maurice, suit de très près tout ce qui se passe dans ce domaine actuellement.
Q. Quel regard jetez-vous sur la presse d’aujourd’hui ?
R. C’est une presse intéressante à bien des égards. Elle est relativement dynamique, indépendante et diversifiée dans son approche par rapport à d’autres pays d’Afrique. Même si elle a des aspects très positifs, la presse mauricienne n’est toutefois pas parfaite. Elle se cherche encore. Elle devrait se consolider, s’associer pour se mettre d’accord sur des codes de déontologie et d’éthique. Il y a aussi des manquements au niveau du traitement de l’information qui n’est pas toujours professionnel. On devrait mettre plus d’accent sur la formation des journalistes pour qu’ils exercent comme il se doit ce métier complexe.
Q. Le gouvernement a fait part de son intention d’introduire une media commission. Qu’en pensez-vous ?
R. Les gens qui sont au pouvoir ont peur de la presse. Ça a toujours été le cas et ce sera toujours comme ça. Quelque part, c’est même une bonne chose car si les gouvernants n’avaient plus peur de la presse, cela voudrait dire que la démocratie ne fonctionne pas bien. Il y a toujours eu des menaces venant d’en haut contre les journalistes mais, à mon avis, l’annonce de la media commission est une stratégie politique et politicienne pour leur faire peur. Néanmoins, il est difficile de donner un avis tranché sur l’éventuelle introduction de cette loi fantôme dont on connaît finalement peu de chose.
Q. Est-il normal que le gouvernement veuille imposer une quelconque instance régulatrice sur la presse ?
R. Dans une situation idéale il n’aurait pas eu à imposer quoi que ce soit. Mais quelque part, la presse est responsable de cet état de choses parce qu’elle ne s’est pas prise en main jusqu’ici. Ce serait bien mieux si les journalistes unissaient leurs forces et mettaient eux-mêmes sur pied un Press Council ou tout autre instance d’autorégulation qui leur permettrait de régler eux-mêmes les problèmes relatifs à leur secteur. Mais même au sein d’un Press Council, il devrait y avoir des représentants du pouvoir et d’autres acteurs de la société pour trouver le consensus, faire avancer les choses.
Q. Les gens de la presse, eux, ne voient en la media commission qu’une tentative de les museler. Ont-ils raison, selon vous ?
R. Museler est peut-être un terme un peu fort. Quel que soit le parti qui est au pouvoir, il n’a pas intérêt à se retrouver avec une presse non-libre. Maurice fait partie de plusieurs organisations internationales, elle est évaluée par ses pairs à différents niveaux, elle ne peut donc se permettre d’arriver à une situation de dictature.
Q. À quoi devrait, selon vous, ressembler un Press Council ou toute autre instance de régulation digne de ce nom ?
R. Au lieu d’aller au tribunal, un citoyen qui se sentirait lésé pourrait se présenter devant cette instance qui va essayer de régler le problème le plus vite possible. On n’est pas là forcément pour juger, mais pour donner la parole à la personne qui se sent lésée, au journaliste mis en cause. Un genre de constat à l’amiable pour la presse. Un Press Council pourrait également s’atteler à créer un code de déontologie et d’éthique pour l’ensemble de la presse. Bien sûr, ce travail peut aussi bien être fait au niveau de chaque rédaction. À chacun de définir ses limites, le cadre dans lequel il peut évoluer.
Q. Les journalistes ont décidé de se regrouper pour former une association. Que pensez-vous de cette initiative ?
R. Justement, l’annonce de la media commission a eu un effet très positif. Cela fait longtemps que la presse ressentait le besoin de se regrouper, de se retrouver et l’annonce de l’introduction d’une media commission a agi comme un catalyseur pour amener les journalistes ensemble. Dans les pays où règne la démocratie, il y a souvent une association, pas nécessairement comme une instance, mais comme une plate-forme pour faire entendre la voix des gens de presse. Pourquoi les journalistes ne pourraient-ils pas former une association, la faire enregistrer, récolter des fonds qui pourront servir leurs objectifs et aller plus loin ?
Q. D’un côté, le gouvernement veut réguler la presse, de l’autre, il continue à se servir de la MBC comme porte-voix. Votre avis sur la station nationale ?
R. Je regarde ponctuellement et douloureusement le journal télévisé. Les différents gouvernements qui se sont succédé ont toujours sur-utilisé la MBC, télé surtout, mais là, je crois qu’on est au plus bas. Au niveau de la radio, c’est moins car il y a de la concurrence. L’image est perçue comme un enjeu important, comme ayant une très grande force. Nos gouvernants peuvent avoir un contrôle sur l’image, mais si c’est mal fait, cela peut se retourner contre eux. Et puis, il règne une situation pas très claire et nette à la MBC concernant les recrutements, les guerres de clans, les frustrations, entre autres. Ce n’est pas une situation nouvelle et tant que la MBC sera sous le contrôle du gouvernement, ce sera toujours le cas.
Q. Cela fait trois ans que les radios privées sont arrivées dans notre paysage audiovisuel. Quelle a été leur contribution ?
R. Leur apport a été très positif jusqu’ici. Cela dit, il y a comme une tendance à l’homogénéisation au niveau de la radio. On va un peu dans les mêmes directions. Il est vrai que ce sont des entreprises commerciales et elles doivent faire des profits. Pour attirer le plus grand nombre d’auditeurs, donc les annonceurs, les radios vont de plus en plus vers le populisme. Il en faut évidemment, mais il faudrait également plus d’émissions sérieuses, plus de débats intelligents..
Q. Comment voyez-vous l’avenir de ce secteur à Maurice ?
R. La presse mauricienne est bien partie mais elle doit faire face à pas mal d’embûches à l’avenir. Sa maturité se jugera de la façon dont elle traversera les épreuves.
Par Michaëlla Coosnapen
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