This is a short interview by Gilbert Deville that appeared in Le Mauricien on Monday 19th March 2007.
It was published in the context of a ‘dossier’ on MP3 players (La Bulle Sonore).
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Christina Chan-Meetoo
(Conférencière en communication à l’université de Maurice):
” Les échanges peuvent renforcer des mini-réseaux “
Qu’est-ce qui explique l’attrait du lecteur MP3 personnel et quels sont les avantages que l’utilisateur peut y trouver ?
Cet appareil offre la portabilité, la légèreté. Grâce à la mobilité qui en découle, on emmène sa discographie avec soi. C’est une privatisation de l’espace public dans le sillage de tous les autres gadgets mobiles. Sa facilité d’utilisation et de transfert de fichiers le rend accessible à un plus grand nombre et promeut les échanges entre amis. Ces échanges peuvent créer et renforcer de mini-réseaux sociaux. Le lecteur MP3 est le produit d’une technologie moderne et relativement récente. Pour l’utilisateur, adopter les innovations technologiques facilite l’intégration, surtout dans la communauté des jeunes, et plus généralement dans une société dite ‘hypermoderne’.
La notion de média de masse, en référence à la musique, a-t-elle encore une pertinence de nos jours ?
Oui et non. Les médias de masse sont en phase de reconfiguration subtile, graduelle ; voulue ou non, mais inexorable. Ils continuent à exister et existeront toujours. Mais les médias personnels viennent soit alimenter, soit complémenter, soit se substituer, soit contester les médias de masse. C’est une source de tension qui est parfois utile car elle appelle à une remise en cause. Il y a une nouvelle manière d’écouter de la musique comme il y a une nouvelle manière de consommer les news et les produits culturels en général grâce à l’émergence des réseaux sociaux sur Internet. On fait du véritable bricolage créatif comme dirait Michel de Certeau. Il y a bien sûr des questions touchant à la propriété intellectuelle. Mais la réponse de Steve Jobs, patron de iTunes, est peut-être cruciale pour cette industrie culturelle.
L’utilisation de cet appareil peut-elle être liée à l’image que l’utilisateur veut communiquer de lui-même?
Dans une certaine mesure, oui. Le lecteur MP3, comme le portable, peut être envisagé comme une extension de soi, comme dirait Marshall MacLuhan. Il y a parfois aussi un besoin de montrer que l’on est “in”, en tout cas, pas “largué”… Il ne faut non plus tomber dans le déterminisme technologique. Il y a avant tout des individus qui ont des besoins, des aspirations. Ils assouvissent leurs besoins, en faisant avec ce que la technologie accessible sur le marché leur offre. C’était la même chose avec l’arrivée des gramophones, des tourne-disques, des radio-cassettes, des walkmans, des discmans… Tous les jeunes de toutes les périodes ont utilisé la musique comme expression de soi. Et à chaque fois, les adultes ont froncé les sourcils. Il y a fort à parier que, si les jeunes des années 60 avaient eu accès au lecteur MP3, ils s’en seraient emparé !
L’isolement que procure le lecteur MP3 est-il une entrave à la communication ?
C’est une perception assez répandue, ni entièrement fausse, ni entièrement vraie. On peut penser que, dans le cas où le MP3 Addict a un déficit en matière de communication, il aurait de toute manière eu ce déficit avec ou sans lecteur MP3 ; soit en raison de sa personnalité, soit en raison d’un entourage avec lequel il ne s’entend guère (le MP3 comme le téléphone mobile est alors un rempart de plus).
Mais quand il est dans une communauté d’amis qui partagent les mêmes goûts et les mêmes habitudes, y compris l’utilisation du MP3, la communication est au contraire nourrie par l’existence de ce point commun.
De manière générale, l’individu doit aujourd’hui apprendre à conjuguer avec les nouvelles technologies qui sont devenues ou sont en passe de devenir pervasives. Au fur et à mesure qu’elles seront naturalisées, nous nous poserons de moins en moins de questions sur leur impact général sur le social.
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